19 enero 2008
18 enero 2008
Una puerta vieja
«¿Qué hará?», decían entre sí los otros; y no eran parte a disminuir el afán de los curiosos las columnas de negro humo que veían salir en espirales inmensas del laboratorio de Brahma, ni los globos de fuego que desde el mismo punto se lanzaban volteando al vacío, y allí giraban como en una ronda luminosa y magnífica.
La imaginación de los muchachos es un corcel y la curiosidad, la espuela que lo aguijonea y lo arrastra a través de los proyectos más imposibles. Movidos por ella, los microscópicos cantores comenzaron a trepar por las piernas de los elefantes que sustentan los círculos del cielo, y de uno en otro se encaramaron hasta el misterioso recinto donde Brahma permanecía aún absorto en sus especulaciones científicas. Una vez en la cúspide, los más atrevidos se agruparon alrededor de la puerta, y uno por el ojo de la llave y otros por entre las rendijas y claros de los mal unidos tableros, penetraron con la mirada en el inmenso laboratorio objeto de su curiosidad.
El espectáculo que se ofreció a sus ojos no pudo menos de sorprenderles.
Allí había diseminadas, sin orden ni concierto, vasijas y redomas colosales de todas hechuras y colores. Esqueletos de mundos, embriones de astros y fragmentos de lunas yacían confundidos con hombres a medio modelar, proyectos de animales monstruosos sin concluir, pergaminos oscuros, libros en folio e instrumentos extraños. Las paredes estaban llenas de figuras geométricas, signos cabalísticos y fórmulas mágicas, y en medio del aposento, en una gigantesca marmita colocada sobre una lumbre inextinguible, hervían con un ruido sordo mil y mil ingredientes sin nombre, de cuya sabia combinación habían de resultar las creaciones perfectas.
Gustavo Adolfo Bécquer "La creación" (poema indio) El Contemporáneo el 6 de junio, 1861
17 enero 2008
En las calles de Aranjuez
-Mi amiga está en Aranjuez con su reverendo tío, el padre D. Celestino Santos del Malvar, uno de los mejores latinos que ha echado Dios al mundo. La infeliz Inés es huérfana y pobre; pero no por eso dejará de ser mi mujer, con la ayuda de Dios, que hace grandes a los pequeños. Tiene diez y seis años, es decir, uno menos que yo, y es tan linda, que avergüenza con su carita a todas las rosas del Real Sitio. Pero, díganme Vds., señores, ¿qué vale su hermosura comparada con su talento? Inés es un asombro, es un portento; Inés vale más que todos los sabios, sin que nadie la haya enseñado nada: todo lo saca de su cabeza, y todo lo aprendió hace cientos de miles de años.
Cuando no me ocupaba en estas alabanzas, departía mentalmente con ella. En tanto las letras pasaban por mi mano, trocándose de brutal y muda materia en elocuente lenguaje escrito. ¡Cuánta animación en aquella masa caótica! En la caja, cada signo parecía representar los elementos de la creación, arrojados aquí y allí, antes de empezar la grande obra. Poníalos yo en movimiento, y de aquellos pedazos de plomo surgían sílabas, voces, ideas, juicios, frases, oraciones, períodos, párrafos, capítulos, discursos, la palabra humana en toda su majestad; y después, cuando el molde había hecho su papel mecánico, mis dedos lo descomponían, distribuyendo las letras: cada cual se iba a su casilla, como los simples que el químico guarda después de separados; los caracteres perdían su sentido, es decir, su alma, y tornando a ser plomo puro, caían mudos e insignificantes en la caja.
¡Aquellos pensamientos y este mecanismo todas las horas, todos los días, semana tras semana, mes tras mes! Verdad es que las alegrías, el inefable gozo de los domingos compensaban todas las tristezas y angustiosas cavilaciones de los demás días. ¡Ah!, permitid a mi ancianidad que se extasíe con tales recuerdos; permitid a esta negra nube que se alboroce y se ilumine traspasada por un rayo de sol Los sábados eran para mí de una belleza incomparable: su luz me parecía más clara, su ambiente más puro; y en tanto ¿quién podía dudar que los rostros de las gentes eran más alegres, y el aspecto de la ciudad más alegre también?
en "El 19 de Marzo y el 2 de Mayo" de Benito Pérez Galdós
16 enero 2008
15 enero 2008
BOOZ ENDORMI de Victor Hugo
Il avait tout le jour travaillé dans son aire;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
Ce vieillard possédait des champs de blé et d'orge;
Il était, quoique riche, à la justice enclin;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.
Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse:
-Laissez tomber exprès des épis,- disait-il.
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grain semblaient des fontaines publiques.
Booz était bon maître et fidèle parent;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
Le vieillard qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.
Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens.
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres;
Et ceci se passait dans des temps très-anciens.
Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,
Était encor mouillée et molle du déluge.
*
Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée;
Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.
Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu;
Une race y montait comme une longue chaîne;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu.
Et Booz murmurait avec la voix de l'âme:
-Comment ce pourrait-il que de moi ceci vînt?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.
-Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
O Seigneur! a quitté ma couche pour la vôtre;
Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.
-Une race naîtrait de moi! Comment le croire?
Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants;
Le jour sort de la nuit comme une victoire;
-Mais, vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l'eau.-
Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.
*
Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,
S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.
Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
La respiration de Booz, qui dormait,
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lis sur leur sommet.
Ruth songeait et Booz dormait; l'herbe était noire;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement;
Une immense bonté tombait du firmament;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.
Tout reposait dans Ur et dans Jéridameth;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel Dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champs des étoiles.